Vers une scission de la Belgique ?

Drapeau Belge

Drapeau BelgeLa Belgique va-t-elle disparaître de la carte de l’Europe? C’est ce que laissent entendre les médias, au lendemain du scrutin belge qui a vu une large avancée des partis séparatistes flamands, faisant même de l’un d’eux le premier parti de la province. Mais les journaux, en quête de sensationnel, ont peut-être un peu trop rapidement scellé le sort de nos voisins du nord.

Si nombre de Flamands semblent vouloir une séparation, et si les Wallons semblent s’y résigner peu à peu, les obstacles sur la route d’une séparation rendent encore, à ce jour, peu probable une partition de la Belgique.

Réfléchissons à cette hypothèse :
La première question à se poser est de savoir dans quelles conditions cela se ferait. S’agirait-il de la création, d’un commun accord, de deux nouveaux Etats, Wallonie et Flandres, comme l’explosion de la Tchécoslovaquie en donna l’exemple après l’effondrement du Bloc de l’Est? Il est plus probable, compte tenu de l’attachement des Wallons à l’idée de Belgique, que la partition se matérialiserait par une sécession des Flandres après référendum. Partant de l’hypothèse d’un vote majoritaire pour l’indépendance, ce qui n’est pas acquis, les Flandres se trouveraient micro-Etat souverain entre les Pays-Bas, l’Allemagne, le Luxembourg et la Belgique. C’est alors que les complications commencent.

Sur le plan international, qui reconnaîtra ce nouvel Etat ? Sans doute pas les Belges représentés par la seule Wallonie. Il y a fort à parier que nombre d’Etats européens refuseront également de reconnaître la nouvelle République flamande, afin de lui faire payer par l’ostracisme ce profond bouleversement de l’équilibre européen. Deuxième point, le petit Etat ne sera lié à aucun des traités européens et internationaux ratifiés par la Belgique dans le passé. Se poserait alors la question de l’intégration européenne des Flandres. Une adhésion ne peut se faire qu’avec l’assentiment de la totalité des Etats membres. Là encore, un tel consensus avec ce « vilain petit canard » de l’Europe, serait dur à trouver. Fort bien peut-être pour les Flamands, libérés de la tutelle européenne, mais à ceci prêt qu’étant hors de la zone de libre échange, ceux-ci se retrouveront à devoir verser des droits de douane pour exporter leurs produits au-delà de leurs frontières, mais également à en percevoir pour les marchandises rentrant sur leurs territoires. Dans ces conditions, compte tenu de la position stratégique au cœur de l’Europe, la Flandre se retrouvera sans doute rapidement impliquée dans de monstrueux conflits commerciaux, étant devenue une barrière pour le commerce, au cœur d’une immense zone de libre échange, à moins que les échanges ne passent par la Wallonie et les Pays-Bas, évitant la Flandre, qui se retrouverait alors exclue d’une large part du commerce européen.

A propos d’Europe, qu’adviendra-t-il de Bruxelles, capitale de la Belgique, ville wallonne au cœur des Flandres, et capitale de l’Union européenne. A qui ira la ville ? Sera-t-elle appelée à devenir une enclave indépendante au milieu des Flandres ? Quelle sera la crédibilité du nouvel Etat dans cette situation, avec qui plus est la capitale européenne en son sein, alors que lui-même se sera retrouvé exclu de l’Union ?

A propos d’enclaves la question se pose également des deux micro-régions germanophones à l’Est de la Belgique, sur le territoire flamand. Qu’adviendra-t-il de ces petites provinces? Rattachées à la Flandre? Elles ne le souhaitent pas ? A l’Allemagne, revenant sur une « correction » de frontière née du traité de Versailles en 1919 ? Encore moins. Alors elles resteront à la Belgique, compliquant un peu plus cette carte de l’ancien Etat aux allures de morcellement médiéval.
Moult questions se posent encore dans le partage des infrastructures routières ou de production d’énergie électrique partagées entre Wallonie et Flandres, pour la création d’une monnaie flamande, d’une armée, d’un corpus de lois propres, etc.

L’avenir de la Wallonie n’est pas tellement plus rayonnant, frappée par d’importantes difficultés économiques, que deviendra-t-elle sans la manne financière de la Flandre ? Un rattachement à la France n’est voulu ni des Français, ni des Wallons, et serait une fois de plus un incroyable casse-tête européen et international.

Pour conclure ce noir tableau, que deviendront les séparatistes flamands mis devant la réalité des faits, confrontés aux conséquences de leur impéritie ? Et les Flamands ? Constatant qu’ils ont été trompés par les démagogues populistes qui les dirigent, que le paradis promis était en fait l’enfer, vers qui se tourneront-ils, devenus les parias de l’Europe ?

Ce rapide tableau montre bien qu’une partition de la Belgique, bien que dans l’ordre des possibles, sera surtout un drame, souhaitable en aucun cas et qui, espérons le du moins, serait bien vite abandonné devant la réalité des faits.

Pour en revenir à la situation politique de ce lendemain d’élections, les séparatistes, théoriquement majoritaires, sont divisés à tous points de vue, unis par la seule haine d’une Belgique unitaire. Une fois encore, l’exercice du pouvoir ou l’impératif d’action pourrait bien achever de les brouiller, faisant voler en éclats leurs rêves de sécession. Par ailleurs, il y a encore en Belgique un roi, dernier facteur d’unité. En retrait de la scène politique, appelé à trancher à plusieurs reprises depuis les derniers mois dans les différentes crises ayant secouées le royaume, il pourrait bien s’avérer l’ultime recours des peuples belges, le seul à même de résoudre cette crise. Le roi des Belges est un arbitre, mais un seul point reste problématique; les textes constitutionnels belges ne lui donnent pas les moyens de son arbitrage.

Le vrai drame des Belges pourrait bien être d’avoir en la personne de leur roi la clef de leur sauvegarde, mais ne lui ayant pas donné les moyens de son intervention politique, ils ont pour ainsi dire bouchés la serrure.

Qui vivra verra !

Gabriel Thibout