Vaincre ou mourir

Editorial du 7/2/2023

Le Puy du Fou fondé en 1989 par Philippe de Villiers et présidé par son fils Nicolas ne cesse de nous surprendre. Troisième complexe de loisirs au niveau mondial derrière Disneyland Paris et Orlando, ce parc à thème unique en son genre, offre des reconstitutions historiques soigneusement détaillées. Son succès l’a conduit à s’étendre récemment en Espagne et ses ambitions sont planétaires. Avec « Vaincre ou mourir », Le Puy du Fou est désormais producteur de film. Le long métrage à la gloire de la Contre-révolution, qui rêve de réunir 100 000 spectateurs, se veut à grand spectacle, avec de nombreuses scènes de combat contre les troupes républicaines envoyées mater l’insurrection royaliste.

L’action se déroule entre 1793 et 1796 dans la très catholique Vendée, meurtrie par la décision de la Convention de lever en masse des volontaires pour grossir les rangs de l’armée révolutionnaire. Émeutes et insurrections éclatent dans les régions ; la Vendée se soulève. Ancien officier de la Marine royale, François-Athanase Charette de La Contrie dit « Charette », retiré dans le château de Fonteclose, est appelé à leur tête par des paysans en colère refusant d’aller mourir aux frontières. Fin stratège et chef charismatique, le général royaliste prend le commandement d’une rébellion contre la jeune République, régime qu’il juge despotique et illégitime ; il a pour devise : « Combattu souvent, battu parfois, abattu jamais ! ». Il enrôle des paysans, des artisans, des déserteurs et même des femmes surnommées les « Amazones de Charrette » et constitue une redoutable armée, insaisissable. Le combat pour la liberté est engagé. Le « Roi de la Vendée » qui avait promis de revenir mort ou victorieux fut fusillé trois ans plus tard, ce qui mit fin à une violente guerre civile qui fit trente mille dans le camp républicain et 170 000 morts chez les Vendéens (soit entre 20 et 25 % de la population du territoire insurgé) : un génocide.

Le film, presque entièrement tourné dans les décors du site, avec un budget de 3,5 millions € a pour seul objectif de « faire rêver avec de belles histoires universelles ». L’histoire est filmée dans un cadre historique et contée avec des dialogues reconstitués à partir d’archives. Bien sûr, une partie relève de la fiction mais « c’est la force du cinéma », rapporte le producteur. Le film est distribué par Studio Canal et Saje Distribution, un distributeur qui nourrit de grandes ambitions en matière de « cinéma chrétien ». Il exalte la vertu d’un groupe de combattants qui se voient comme « les derniers remparts d’une royauté de 1 000 ans », déclare l’un des personnages à l’écran.

C’est un film de Droite, celui d’une «France catholique, fière et héroïque » protestent la presse bien-pensante et des historiens fermement engagés dans l’aile révolutionnaire la plus dure de la République, seuls détenteurs de la vérité historique à les entendre. La critique fait état « d’un étrange objet à thèse tout entier engagé dans la défense du “c’était mieux avant” »,qui promet« une avalanche de crottins ». L’évaluation du co-auteur de l’ouvrage « Le Puy du Faux – Enquête sur un parc qui déforme l’histoire »est sans discernement : selon lui, « le film porte une vision anti-républicaine, catholique et royaliste ».

    Il est vrai que le personnage principal, héros haut en couleur, s’engage à la tête d’un peuple persécuté pour combattre avec ses convictions contre les idéaux de la République. Cela mérite quelques honneurs. Et si le film dérange autant une critique qui, de toutes façons, n’en perçoit idéologiquement que les aspects négatifs, c’est certainement que ce long métrage mérite d’être vu, sans modération.

    Philippe Nourrisson