Première analyse de l’état des lieux du royalisme : pour une royalisation de la France

Livre Blanc

Livre BlancL’organisation SYLM (Support Your Local Monarch) a publié en novembre 2009 un livre blanc sur « le Royalisme en France – état des lieux. » 1738 royalistes ont répondu au questionnaire mis en ligne par l’équipe de SYLM, indiquant le courant politique auquel ils appartiennent, leurs convictions religieuses, leur appartenance syndicale et, plus intéressant encore pour les mouvements monarchistes, leur appartenance ou non à un mouvement royaliste et les attentes du « peuple royaliste ».

Le désamour envers les mouvements monarchistes

Un premier constat s’impose : il existe un véritable désamour des royalistes français pour les mouvements royalistes. Si à peine 14% des sondés appartiennent aujourd’hui à une organisation monarchiste, près de 60% ont été adhérents d’un mouvement. Cette désaffection touche surtout les mouvements d’Action Française, certainement en raison de leur importante et de leur longévité, mais s’étend à toutes les chapelles royalistes, légitimistes inclus.
Plusieurs explications sont avancées par les rédacteurs du « livre blanc » : un trop grand nombre de chapelles royalistes, une série quasi-ininterrompue de scissions, dissolutions, fusions malheureuses, querelles internes qui ont touché le microcosme ces 50 dernières années, laissant sur le bord de la route un grand nombre de « frères d’armes » désillusionnés.

Il est assez paradoxal de constater que les mouvements royalistes, premiers à accuser la République de diviser les Français et de conduire inexorablement à la coupure entre le peuple (ou pays réel) et les élites (ou pays légal), ont reproduit en leur sein ces mêmes schémas qu’ils entendaient dénoncer : divisions incessantes, coupure avec la base.

A l’origine de cette incapacité quasi-pathologique du royalisme français à constituer une véritable force politique proposant une alternative crédible au système républicain en place, on retiendra l’explication donnée par le livre blanc qui nous semble la plus pertinente et aller à la source même : le royalisme a donné ces 50 dernières années une image coupée de la réalité, a montré que ses moyens et ses méthodes étaient inadaptés à notre époque et n’a pas su dégager une perspective claire pour mener à bien notre combat.
Entre certaines attitudes groupusculaires de mouvements éclatés en micro-cercles confidentiels rêvant d’une monarchie « ultra », qui n’a historiquement jamais existé, et prophétisant dans des fonts de caves le crépuscule de la République et d’autres se consolant de la baisse inexorable du nombre de leurs militants en préparant un « coup de force » qui ne viendrait jamais, le tout mâtiné d’un fantasme de monarchie irréalisable, le royaliste moyen, celui qui vit dans son époque et veut participer, aujourd’hui et maintenant, à la vie politique de la Cité, ne pouvait pas y trouver son compte.

Il ne s’agit pas, pour nous autres, jeunes royalistes du 21ème siècle, de chercher les responsabilités de qui que ce soit. Aurions-nous fait mieux que ceux qui nous ont précédés ? Aurions-nous su éviter les écueils des querelles incessantes ? Ou la déconnexion avec la base monarchiste par des idéologies coupées du réel ? En quelques mots : aurions-nous été meilleurs ?
L’on a le droit de le penser, mais l’affirmer serait franchir un pas, ce que la prudence, et peut-être l’humilité, nous recommandent de ne pas faire.
Il ne s’agit pas de désigner tel ou tel responsable, qu’il s’agisse de personnes ou de mouvements. Mais d’analyser objectivement les faiblesses et les erreurs de ceux qui nous ont précédés afin de ne pas reproduire les mêmes schémas. Pratiquer sur nous-mêmes ce fameux « empirisme organisateur » dont les maurrassiens sont si friands.

L’absence de projet politique et de méthode d’action

L’absence de réelle méthode d’action est probablement le principal facteur responsable de la désaffection des royalistes pour les mouvements supposés les représenter… et mêmes des divisions successives : l’oisiveté étant la mère de tous les vices, il est plus facile de se quereller entre gens du même bord lorsque l’on n’a pas d’objectif précis ni de feuille de route.
Croire à un hypothétique « coup de force » lorsque les effectifs militants des monarchistes n’ont cessé de décroître et leurs idées perdre toute crédibilité est une lubie qui ne pardonne pas. Cela consiste à partir du postulat qu’un Coup d’Etat est possible dans ce pays et que, s’il avait lieu, il se ferait en notre faveur, deux hypothèses qui semblent, surtout concernant la deuxième, contredites par toute analyse sérieuse.
Combien même un coup d’Etat serait possible (dans le cas où la situation deviendrait tellement insupportable pour une majorité de Français, qu’il en deviendrait la seule alternative possible), comment imaginer qu’il puisse se faire en faveur de royalistes dont les idées sont méconnues par une écrasante majorité de la population et prêtent plus à sourire qu’autre chose ?

Si le coup de force a pu jadis être une hypothèse crédible pour renverser la République (tout comme la République s’est elle-même imposée par un coup de force), professer cette solution aujourd’hui revient à donner aux militants, adhérents et sympathisants non pas un programme politique de prise du pouvoir, mais un simple rêve, à les faire caresser une hypothèse dont la probabilité de réalisation ne serait que fluctuante (et serait fonction du degré de déconnexion du réel de celui qui la professerait).
L’on comprend dès lors que nombre de royalistes se soient lassés de mouvements monarchistes dont le projet ne reposait que sur l’indéfectible croyance en une « crise », un « clash » ou un « coup de force » qui, tôt ou tard, allait venir. On a fait le même coup aux communistes à qui l’on promettait le paradis terrestre tôt ou tard. La patience humaine a des limites.

Royaliser par l’élection

L’Alliance Royale propose une méthode d’action : « royaliser » le pays par le biais des élections. C’est simple et à la portée de nos moyens. Cette méthode n’est pas exclusive d’autres plus « conventionnelles » : cercles de formation, conférences, militantisme de rue.
L’avantage de l’élection est qu’elle est toujours utile : peu importe le score réalisé par les royalistes, elle permet de faire connaître. La démarche électorale offre un but à court terme qui permet aux militants de se fixer un objectif accessible et dont le résultat ne se fera pas attendre. Là où un but vague et lointain (« rétablir la monarchie absolue de droit divin ») aura tôt fait de décourager des militants (les témoignages présents dans le « Livre Blanc », qu’ils proviennent de légitimistes ou de militants d’Action française, sont à ce titre parfis édifiants), un objectif précis et à court terme (« faire connaître positivement le royalisme par le biais d’une élection »), bien que s’inscrivant, logiquement, dans un but à plus long terme (« restaurer/instaurer la monarchie en France ») a cet avantage qu’il permet de fidéliser les royalistes qui sauront quel objectif immédiat poursuivre et offre une « feuille de route » par étapes successives.

Le vote également est en soi un outil au service de la fidélisation : car s’il peut arriver que certains royalistes convaincus « perdent de vue » leur mouvement, pour des raisons professionnelles ou familiales, le simple fait de voter régulièrement pour un royaliste constitue une forme de « piqûre de rappel, » permet d’affirmer, et donc de réveiller, de raviver, à minima, une conviction qui ne s’exprime, actuellement plus, chez beaucoup de sympathisants monarchistes.
« Pas suffisant, » diront certains. Évidemment, des millions d’électeurs n’égaleront jamais des milliers de cadres et de militants actifs. Mais tout le monde ne peut pas être cadre ou militant. En revanche, tout le monde peut voter.

La formation : élément indispensable du militantisme

Et comme nous le disions précédemment, cela n’est pas exclusif d’une forme plus « traditionnelle » de militantisme : activisme de rue, bien entendu, mais aussi cercles de formation ou conférences, afin d’entretenir et d’enrichir le corpus doctrinal du royalisme, pour que ce dernier ne devienne une coquille vide, une simple « excentricité » sur un bulletin de vote mais demeure une alternative réelle et sérieuse au régime en place.
L’élection et la formation interviennent comme deux formes complémentaires d’un même militantisme royaliste : la formation est indispensable car présenter des candidats royalistes qui n’auraient de différence avec les républicains qu’une simple étiquette n’aurait aucun sens. L’élection, quant à elle, permet aux cadres et aux militants royalistes de rester connectés au pays réel et, ainsi, permettre à la doctrine royaliste, par ce contact aux préoccupations quotidiennes de nos compatriotes, de ne pas se scléroser en de vagues et lointains intangibles dogmes idéologiques sans rapport avec le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, comme cela a pu se voir dans certains mouvements royalistes.

Un projet politique réaliste

S’agissant du projet politique, enfin, il s’agit de ne pas le rendre « lointain » ou « inaccessible » : proposer la restauration ou l’instauration d’une monarchie qui ne serait que la copie pure et simple d’un Ancien Régime souvent imaginaire ou l’incarnation de concepts pertinents au 19ème siècle mais dépassés aujourd’hui ne peut que conduire à penser la royauté comme un régime presque utopique, en tout cas impossible à réaliser dans l’immédiat et donc relégué à une simple « espérance », une forme de « fidélité dogmatique » à un fantasme qui ne trouvera aucune matérialisation concrète dans un projet politique.
La plateforme de l’Alliance Royale propose une monarchie qui est réalisable : suffisamment éloignée des fausses idéologies républicaines pour constituer une alternative crédible, mais prenant en compte les réalités du pays : la situation économique, démographique, sociale… afin de proposer un système qui puisse être accepté demain par une majorité de Français.
En effet, on ne fera pas la monarchie contre le peuple français, mais on la fera parce que, au moins implicitement, celui-ci l’aura souhaitée. La monarchie doit apparaître comme un secours appelé par les peuples de France, et non pas comme une institution arrogante brandissant des lois et des principes éculés : la monarchie est à faire, elle est aussi à refaire. Deux siècles de républiques et d’empires ne seront balayés en une journée et le Roi qui vient ne saurait apparaître comme le « vengeur » qui viendra punir la France pour ses « fautes » mais comme le réconciliateur d’une nation rassemblée autour de son chef légitime.
Les royalistes qui rêvent d’une monarchie qui ne saurait se faire qu’en heurtant frontalement nos contemporains relèvent trop souvent du clan des nostalgiques et des passéistes pour qu’ils méritent la moindre once d’attention.
A l’Alliance Royale, nous avons la faiblesse de penser que l’écrasante majorité des royalistes souhaitent un royalisme qui dialogue avec l’époque actuelle pour construire une monarchie qui puisse se faire demain.

Bien sûr, d’aucuns trouveront la plateforme de l’Alliance Royale « trop parlementaire », « pas assez régionaliste », « trop laïque », « pas suffisamment eurosceptique, » etc.
C’est oublier que la royauté n’est pas un régime fixe : c’est un régime qui a pour avantage de savoir s’adapter avec le temps et de pouvoir évoluer tout en restant fidèle à ses principes fondamentaux. La monarchie, même si elle revenait en France demain, serait amenée à évoluer dans un sens comme dans un autre. Le rétablissement de la monarchie n’a jamais signifié que, demain, le régime prendrait une forme définie et s’y tiendrait pour les siècles à venir. Sinon ce serait une parfaite méconnaissance de l’Histoire de l’Ancien Régime (et, accessoirement, ce serait un parfait mimétisme des idéologies républicaines aux constitutions marbrées.)
La monarchie offre un cadre sain pour servir l’intérêt général. Mais rien ne l’empêche de dégénérer si le roi n’est pas soutenu par des Français compétents au service de l’intérêt général. En sens inverse, rien ne l’empêche non plus d’évoluer vers une forme plus proche de ce qu’était l’Ancien Régime (pays extrêmement décentralisé, sans assemblée nationale) s’il apparaît que le pays se montre favorable (ou tout du moins, ne montre pas d’hostilité) à cette évolution.
La plateforme de l’Alliance Royale est un point de départ qui vise à assainir nos institutions sans gommer d’un trait de plume deux siècles d’Histoire. Elle offre l’avantage de rendre crédible l’idée d’une restauration de la monarchie. Une fois cette dernière de nouveau aux affaires, le « jeu » peut toujours évoluer. C’est au fond l’aspect le plus séduisant (et parfois même assez « inquiétant ») de la monarchie.

Il est du devoir des Jeunes Royalistes d’incarner non pas une nostalgie mais une fidélité, non pas un rêve inaccessible mais un projet, pour que la royauté puisse, demain, être restaurée en France parce que nous demeurons convaincus qu’il s’agit du meilleur régime pour la France.
Et la première étape consiste à redonner un espoir sérieux à ceux qui, comme nous, veulent un roi au sommet de l’État français, mais n’y croient plus pour de multiples raisons.
Cet espoir, nous pouvons le porter si nous nous en donnons simplement la peine. Il est temps pour le royalisme de sortir des poubelles de l’Histoire, et si nous ne le faisons pas, qui le fera ?

Stéphane Piolenc

Le Royalisme En France, Etat Des Lieux – Editions SYLM – 2009 – 19,95 €