Encore une fois, la République s’abuserait-elle elle-même, au point de nous indure en erreur. D’après la rumeur populaire, on serait enclin à penser que l’utilisation d’une belle allégorie féminine pour représenter la France aurait été créée lors de la révolution française. On nous dit : « Les premières représentations d’une femme à bonnet phrygien, allégorie de la Liberté et de la République, apparaissent sous la Révolution française » (cf. site internet de l’Elysée). En réalité, ce type d’allégorie n’est pas nouveau, il reprend tout simplement de ce qui existait du temps des rois de France. Promenons nous à Versailles…
Dans les jardins nous sommes surpris de rencontrer au détour d’un bosquet, une impressionnante statue, entièrement dorée, figurant une belle femme à la fière allure et assise sur un char à l’antique. De loin, on pourrait croire qu’il s’agit du cachet de la République, orné d’une femme drapée, assise et couronnée de rayons à la manière de la statue de la Liberté. En fait, il s’agit bien d’une allégorie de la France. Mais point de rayon ici, notre belle femme porte un casque à la manière de Minerve. Ce n’est pas non plus le bonnet phrygien, mais une coiffe se référant déjà à l’antiquité gréco-romaine. Et notre statue s’intitule « la France triomphante ». Entrons ensuite dans le château du roi-soleil. Dans la chambre du roi, nous retrouvons notre belle femme dorée veillant sur le sommeil du roi, juste au-dessus de son lit. Parait-il que l’on avait coutume de dire : « quand le roi dort, le royaume se régénère ! ». Un peu plus loin, dans la coupole peinte du salon de la guerre, la belle femme, allégorie de la France, est encore là. Nous la voyons ici environnée de ses ennemis qui menacent au dehors avec de puissantes armées. Cette France aérienne arbore, pour meilleure protection, un bouclier portant le portrait du roi. Louis XIV se présente ainsi en ultime défenseur de la France, comme s’il faisait rempart de sa personne. Où, est le temps où nos chefs d’état agissaient en premier dans l’intérêt de la France, fut-ce au péril de leur vie. Comme c’est une peinture, cette fois-ci, nous avons la couleur. La France est vêtue d’une grande tunique azur semée de fleurs de lys d’or. Il faut se souvenir que les fleurs de lys étaient le symbole de la France, autant que celui du roi de France ! En passant par la galerie des glaces nous démasquons une autre supercherie historique. On nous rebat les oreilles du « code Napoléon », comme si rien n’existait avant. Or, nous trouvons ici évoqué dans la voûte, un des actes politiques de Louis XIV qui est la rédaction du « code Louis », code civil et criminel. Certes, Napoléon a modernisé le code civil, mais il n’a rien inventé ; il a simplement repris le principe de l’ancien « code Louis » et a baptisé le nouveau code de son nom. Juste à côté dans le salon d’Apollon, salle du trône, la France est toujours présente dans le plafond.
Elle regarde passer les visiteurs dans sa tunique azur. Elle est, ici, coiffée d’une couronne d’or. Pour changer, allons au Louvre … Là encore, nous retrouvons la France, à une autre époque, dans la galerie Médicis. Un des magnifiques tableaux de Rubens, représente l’arrivée à Marseille de Marie de Médicis. Elle vient pour épouser Henri IV. Elle est accueillie avec joie et respect par la France. Celle est représentée sous les traits d’une belle femme drapée d’une tunique azur semée de fleurs de lys d’or. Quant au prénom ; Marianne est l’association des deux prénoms Marie et Anne. On nous dit : « Prénom très répandu au XVIIIème siècle » (cf. site internet de l’Elysée). En fait, ces deux prénoms ont souvent été ceux des reines de France. Ils se réfèrent aussi, bien-sûr, à deux célèbres femmes de la Bible : la Vierge, sainte Marie, et sa mère, sainte Anne. Finalement, Marianne est un prénom très catholique et très royal. De même, l’idée de représenter la France, par une femme allégorique, ne fait que reprendre ce qui existait sous l’ancien régime. Alors ou est la différence ? Elle tient principalement aux vêtements et à la coiffure. La France républicaine a perdu sa tunique azur et a troqué sa couronne et son casque contre un bonnet phrygien qui, il faut bien le dire, n’est pas très élégant. Entre la royauté et la république, la France y perd au change !
Rodolphe Huguet