Editorial du 22/5/2023
En 1791, les révolutionnaires français adoptent un texte sur la dépénalisation de l’homosexualité dans le cadre privé. Deux siècles plus tard, la Justice confirme que seule la relation entre un homme et une femme est garante de stabilité et de continuité. Pourtant dès fin 1999, la loi reconnaît un statut particulier aux couples de personnes du même sexe, un contrat civil qui toutefois ne crée pas de relations familiales. Au printemps 2013, l’ambiguïté est levée, l’union conjugale est légalement étendue à tous les couples ; le « mariage pour tous », qui envoie des millions de manifestants dans les rues, fait ainsi abstraction de la différence et de la complémentarité des sexes. Il établit la relation familiale et autorise l’adoption pour tous les couples. Mais au-delà des traités, des contrats et règles juridiques édictées par les pouvoirs exécutifs, il y des lois fondamentales, celles de la nature qui ne permettent pas aux couples incompatibles sexuellement de se reproduire et aux hommes de procréer dans leur propre corps. En galvaudant les techniques médicales destinées à aider les couples hétérosexuels en difficultés, le législateur défie la nature. En 2021, lors d’une nuit sans lune, une soixantaine de députés offrent la procréation médicale assistée (PMA) aux couples de femmes, un vote qui favorise l’enfant sans père. Dans une suite logique et au nom de l’égalité républicaine, les couples d’hommes revendiquent l’enfant sans mère avec la gestation pour autrui (GPA une autre pratique de la PMA) ; l’homme enceint et la femme à barbe font fantasmer les esprits les plus éclairés et les scientifiques commencent à créer en laboratoire des chaînes contenant l’ADN de deux pères pour permettre leur reproduction. Récemment un enfant issu de trois parents différents, deux mamans et un papa est né au Royaume-Uni ; cette prouesse médicale serait très encadrée pour interdire toute dérive vers le « bébé sur commande », pas de quoi réellement nous rassurer !
Quelle époque merveilleuse, celle qui annonce « l’enfant pour tous », pour les personnes seules ou en couple, genrées ou pas, l’enfant sans origine détaché de ses racines biologiques, sans père(s) ni mère(s) identifié(s), un enfant sélectionné sur catalogue par des parents d’intention et pourquoi pas « échangé contre bons soins ». Tous les obstacles sont franchis méthodiquement au nom du droit à l’enfant, quoiqu’il en soit et quoiqu’il en coûte, au mépris des seuls droits à respecter : ceux de la nature et ceux de l’enfant. Les règles d’éthiques sont bafouées ; ceux qui les défendaient hier ont inversé les valeurs ; les « homophobes » d’il y a dix ans prétendent avoir évolué avec les hypothétiques exigences de la société; ils s’excusent et se confessent publiquement à l’image du plus célèbre d’entre eux, l’actuel ministre de l’Intérieur qui affirme que « l’important, c’est l’épanouissement de l’enfant et l’amour porté par les parents, quelle que soit la structure familiale : homosexuelle, hétérosexuelle ou monoparentale ». Pathétique… Âmes sensibles retenez vos larmes !
Le terme parent employé au pluriel signifie originellement le père, c’est-à-dire le parent mâle qui a engendré, et la mère, c’est-à-dire la femme qui a mis au monde, notions d’un temps révolu si l’on considère qu’on ne naît pas homme ou femme mais qu’on le devient par construction sociale et culturelle. Dans l’anthropologie traditionnelle, la famille était un groupe de filiation considérée comme une unité autonome composée d’un mari, d’une femme et de leurs enfants. La famille moderne devient une communauté mono ou pluri-parentale composée a minima d’un parent 1, souvent d’un parent 2 et pourquoi pas de plus de deux parents, et des enfants liés biologiquement ou non à ces parents.
Les anthropologues disposent de nombreuses données acquises au cours des siècles sur les enfants biologiques ou adoptés, élevés par des couples hétérosexuels, des collectivités ou un seul des deux parents. Mais dix ans après la loi Taubira, il est trop tôt pour disposer d’études sur les enfants élevés par un ou des parents homosexuels dans une société dégenrée. Il faudra attendre une ou deux générations avant d’observer et de mesurer les conséquences anthropologiques, sociales, éthiques et politiques de l’obsolescence programmée de la famille, cette cellule quasi-universelle et cet élément fondateur de nos sociétés, « fondée sur l’union de deux individus de sexes différents qui fondent un ménage, procréent et élèvent des enfants », selon Lévi-Strauss. Dans cette société où les adultes ont perdu leurs repères et où dès la première enfance l’idéologie sape les fondements de la famille, les plus jeunes d’entre-nous se troublent et s’interrogent sur leur identité de genre et sur leur personnalité, un phénomène qui devient inquiétant au regard de son ampleur et des effets d’une doctrine délétère sur les générations montantes.
Nous devons prendre conscience que nous sommes à un point de non-retour, de basculement civilisationnel dès lors que nous ne sommes plus en mesure de « garantir et protéger ces manifestations de l’existence humaine que sont la procréation, l’accueil de l’enfant et l’éducation/transmission » en reprenant les termes de la philosophe Chantal Delsol.
Philippe Nourrisson