Le retour de l’expérience religieuse

Libre tribune d’une adhérente (11/5/2022)

Depuis Auguste Comte, l’expérience religieuse a perdu de plus en plus sa valeur, le réel n’étant plus que l’objet des sciences naturelles, et non plus des sciences religieuses. Les sciences positives ont le monopole, en République, et ne laissent plus la possibilité d’un renouvellement des recherches scientifiques, celles-ci devant se limiter au monde brut.

La théologie se trouve ainsi prisonnière du dogme du positivisme, qui d’ailleurs est presque devenu une nouvelle religion. Les théologiens ne sont plus écoutés, ne sont plus pris au sérieux : ils sont considérés comme des fous, vus comme des charlatans qui voudraient vendre leurs vieilleries passées de mode, ou sont entièrement ignorés.

Les progrès technologiques nous donnent l’impression que nous sommes en possession d’une science très avancée et complexe qui dépasserait de loin toutes les autres. Elle est avancée, certes, mais aussi remise en question, notamment dans la biomédecine, qui s’est avérée peu efficace durant la pandémie, sans compter les nombreux problèmes éthiques qu’elle soulève. Au lieu d’être confortée par les progrès de la médecine, la société tout entière – si on peut encore parler de société, puisqu’une société suppose l’interaction d’individus étant d’accord sur des principes communs, ce qui est loin d’être le cas en France – a sombré dans un doute profond. Où est passé l’espoir de la grande Ré-solution du Monde par les sciences naturelles ?

Nous savons – et les scientifiques eux-mêmes le savent – que la science positive ne peut pas tout expliquer. Il serait d’ailleurs très orgueilleux de prétendre le contraire, comme il est orgueilleux de croire que l’on pourrait expliquer les phénomènes de l’esprit par le simple biais de la psychanalyse. L’esprit humain est complexe et il a sa propre perception. Ainsi, quand nous percevons un objet par le biais des cinq sens, nous en faisons l’expérience. Et quand nous percevons quelque chose de l’ordre du sacré, n’en faisons-nous pas aussi l’expérience ? Pourquoi la science refuse-t-elle d’admettre la vie de l’esprit ? La science se rétrécit, sous le dogme de l’empirisme, et les scientifiques avec elle. Refuser d’admettre l’existence des réalités de l’esprit, c’est en fait renoncer à la possibilité même de la connaissance.

Le royalisme, par nature, permet une réouverture vers l’expérience religieuse, c’est-à-dire vers l’esprit. Si les croyants admettent l’existence d’un être transcendant, avec des caractéristiques qui demeurent les mêmes au cours des âges (toute-puissance, amour inconditionnel, perfection, omniscience, etc.), ce n’est pas parce qu’ils se soumettent aveuglément à un dogme, mais bien parce qu’ils perçoivent quelque chose de transcendant. Alors pourquoi n’auraient-ils pas le droit d’y prêter attention ? Pourquoi ne devrait-on pas faire confiance à ce que nous voyons avec l’esprit et ressentons ?

De plus, la prédiction de Marx qui affirmait que les religions disparaîtraient, après que les besoins matériels de la population auraient été assouvis, ne s’est toujours pas accomplie… Les religions persistent et s’opposent de plus en plus à cette vision matérialiste de l’histoire ; les athéologues n’ont apparemment jamais rien compris à la foi chrétienne, ni d’ailleurs aux autres confessions. Ce n’est pas parce que l’on croit en Dieu que l’on en fait l’expérience, mais à l’inverse : c’est parce qu’on en fait l’expérience qu’on y croit. La religion se base sur le principe de perception, qui n’est certes pas celles des cinq sens, mais qui s’en rapproche et fonctionne de la même manière. C’est une perception à la fois émotionnelle et cognitive qui se transforme ensuite en connaissance. Les Saintes Écritures sont basées sur une Révélation : les prophètes ont fait l’expérience de Dieu et les apôtres ont fait aussi cette expérience dans la personne du Christ.

Nous aurions très certainement oublié toute cette histoire si cela n’avait été qu’une illusion et si personne n’avait fait des expériences religieuses par la suite. Ce type d’expérience n’a pas seulement touché des saints mais aussi beaucoup de gens dans leur quotidien jusqu’à aujourd’hui : cela peut être le sentiment de la sacralité d’un lieu, par exemple en rentrant dans une église, mais aussi l’émerveillement que l’on peut éprouver devant un paysage, où l’on reconnaît qu’il doit avoir un Créateur. Il y a aussi d’autres sortes d’expérience qui ne sont pas dicibles, par exemple l’expérience mystique que l’on ne trouve pas uniquement dans la tradition chrétienne mais aussi dans d’autres traditions religieuses comme l’hindouisme, le soufisme ou le judaïsme. Il y a encore l’expérience que l’on peut qualifier d’ « appel », où la personne est appelée par Dieu à réaliser quelque chose, ce qui va se traduire par un sentiment de pression intérieure ou de nécessité, qui dure dans le temps.

Pourquoi cela nous concerne-t-il en tant que royalistes ? Cela nous concerne, parce que le royalisme se fonde à la fois sur la raison et sur l’expérience religieuse. Certains d’entre-nous ont peut-être été confrontés à des phénomènes ou à des signes qui les ont mis sur le chemin du royalisme. Ces « signes », dans la mesure où ils se répètent et s’ils ont une concordance logique avec la réalité, doivent être pris au sérieux. Pourquoi ? Parce qu’ils permettent notre progression, et par là, la progression de la société. N’ayez pas peur de croire ! La foi est créatrice, elle est aussi la source du royalisme, et en plus, elle est profondément liée à la connaissance (l’objet auquel elle se rapporte est Dieu). Saint Thomas d’Aquin reconnaissait que tous les hommes étaient dotés par naissance d’une faculté spéciale qui nous donne la possibilité d’avoir une connaissance de Dieu, ce que Calvin appela par la suite le sensus divinitatis. Cette faculté nous permet de comprendre qui nous sommes et d’où nous venons, en nous laissant faire l’expérience de la réalité divine.

La majorité de la population – en premier lieu, nos pseudo-élites – souffre d’un trouble cognitif dû premièrement au manque de foi, deuxièmement au manque de connaissances dans les sciences de l’esprit et troisièmement à l’accumulation des vices entraînés par la société de consommation. Les vices – à l’opposé des vertus – sont des freins à l’expérience du réel, qui n’est pas uniquement composé de matière. Les vices nous rendent aigris, mélancoliques, grognons, révolutionnaires, pessimistes : ils remplissent les cœurs de colère et d’amertume. C’est pour cette raison qu’il faut changer la société jusque dans ses fondements, parce que celle-ci rend les individus profondément malades et leur injecte des poisons de toutes sortes. Et aucun de nos politiciens ni de nos scientifiques ne trouvera le remède approprié, car le remède se trouve à l’intérieur de nous-même, dans la vertu. La transformation intérieure impliquera une transformation extérieure.

Le retour du roi sera un retour à la lumière de la foi et de la connaissance. Cette lumière qui nous vient du Ciel et dont le roi sera le porteur soignera la France et libérera les âmes de leurs souffrances. Le retour du roi sera ainsi marqué par un retour de la joie, car choisir Dieu, c’est choisir l’amour, la charité et la joie de vivre ! parce que le roi sera connecté à la réalité – qui n’est pas celle de Twitter ou Facebook – et parce qu’il sera entouré des meilleurs, qui l’aideront avec le cœur à reconstruire un royaume resplendissant, à l’image de Dieu. Car l’intelligence ne vient pas seulement de l’esprit, mais elle vient aussi du cœur. Alors réactivons notre sens du divin, tournons-nous vers des buts plus nobles et ouvrons enfin les portes d’un progrès réel en retrouvant notre humanité intérieure. Pour y entrer, il suffit de frapper à la bonne porte !

Lynn Martin