Editorial du 16 février 2024
Le temps de « l’humour est dans le pré » pendant lequel nos agriculteurs ont retourné les panneaux d’entrée des agglomérations, pour qu’ils deviennent lisibles par ceux qui marchent sur la tête, est révolu. Loin de la pollution intellectuelle de nos énarques priés de mettre en jachère leurs « champs de leurres », leur colère s’embrase, un embrasement qui s’est propagé à toute l’Europe.
La veille de la Chandeleur, Paris est honoré et Paris libéré ; nos paysans reçoivent des garanties suffisantes pour retourner à la ferme après une semaine d’actions sans violence, une semaine pendant laquelle le cœur de la France s’est remis à battre, une semaine pendant laquelle une très large majorité de Français a retrouvé ses racines, s’est remise à espérer que la France reste toujours la France, cette France qui ne veut pas mourir. Le premier février, « jour où l’hiver s’arrête ou prend vigueur », devrait être décrété jour de la fête nationale des paysans, fête de ceux qui labourent, traient, pêchent, cultivent pour nous nourrir et accessoirement tenter d’en vivre. Fête européenne devrait-on dire, car c’est l’Europe, y compris la Suisse, qui s’est enflammée contre l’oppression bureaucratique de ces petits hommes en costume sombre, ânonnant en globish dans les salons bruxellois pour réglementer la taille des écuries, légiférer sur les borborygmes des vaches, calibrer la taille des navets ou décider du jour et de l’heure des semailles.
L’action paysanne revêt un caractère symbolique particulièrement fort dans notre pays. Après l’éloge du droit à la paresse, l’excuse d’oisiveté de nos jeunes des banlieues ou les manifestations de ceux qui s’interrogent sur leur identité sexuelle, bref tout un monde qui se recharge l’estomac à heures fixes pour vaincre l’inutile ou combattre sans ennemi au profit de leur seul confort, c’est la voix de ceux qui travaillent que l’on a entendue, ceux qui considèrent que la famille est une cellule fondamentale pour cimenter la société. C’est la voix du bon sens et de la sagesse sortie des profondeurs de la terre qui s’est exprimée pour nous dire que tout ce qui est présenté pompeusement comme une chance pour la France est en fait une source de désespoir. Le temps est proche où notre Président vantait les bienfaits du Mercosur, pour soutenir peu après un « Merco beaucoup moins sûr », inique et peu favorable à notre économie. De telles erreurs d’analyse sont légion chez nos visionnaires dans d’autres domaines de leur idéologie et cela devrait les ramener à l’humilité ou, tout au moins, leur rappeler que le mépris est une arme dangereuse qui peut se retourner contre ceux qui en abuse. On récolte toujours ce que l’on sème…
En apportant symboliquement des croissants aux forces de l’ordre qui leur faisaient barrage ou en secourant des policiers qui s’étaient embourbés, les manifestants se sont rangés du côté du bien pour donner plus de poids à leurs revendications. Ils ont prouvé si besoin était « que les peuples ont une âme, une volonté » , qu’ils sont capables de s’unir pour l’Europe, l’Europe telle qu’elle a été imaginée , et non pas celle des traités, dévoyée par des anonymes qui détournent le droit.
Le retour aux champs a été digne d’une arrivée du Tour de France au bord des routes et, en apportant massivement leur soutien, les Français ont témoigné leur attachement à leurs racines, à la terre, au savoir-faire et à la passion qui doivent continuer à se transmettre pour simplement vivre dans la dignité. La nostalgie du passé, certainement un peu, mais pourquoi pas une nostalgie du futur, car redonner toutes ses lettres de noblesse à la paysannerie française, ce sera redonner son rang à la France et l’envie de crier « vivent les paysans, vive le Roi, vive la France ! »
Philippe Nourrisson