Hommage à la reine Elisabeth II

Editorial du 12/9/2022

C’est avec beaucoup d’émotion que nous partageons avec la Grande-Bretagne ce grand moment de deuil, car une grande reine s’est éteinte. Elisabeth II a su marquer de son existence le monde entier, en incarnant les principes de la royauté à un haut degré d’excellence. A une époque troublée, elle a représenté pour un Occident en quête de sens un pôle de stabilité politique et de continuité. Malgré le caractère sacré de sa fonction, elle est restée profondément humaine en accomplissant un rôle social très important par sa proximité avec la population, qui voyait en elle la Mère de la nation.

Pour nous Français, cet événement historique réveille notre passé douloureux. Le sarcasme et les préjugés envers la monarchie s’épuise peu à peu face à la réalité : perdre un roi ou une reine a une portée plus que symbolique ; c’est perdre un être qui nous est cher. Cela nous renvoie aussi à ce que nous avons nous-même perdu. Et qu’il y a-t-il de plus beau et de plus joyeux, quand un grand souverain meurt, que de pouvoir crier « Vive le roi ! » ? Mais qu’y a-t-il de plus triste pour un peuple que de ne pas aimer ses dirigeants et de ne pas être aimés par eux ? Certains diront que la reine n’était pas une dirigeante au sens politique. Cette objection repose sur un malentendu : le rôle d’une reine est de donner une direction morale et spirituelle en apportant son soutien à ceux qui en ont besoin. Son action, qui consiste à unir ses sujets, se propage à toute l’organisation du royaume ; c’est donc un rôle qui va bien au-delà des affaires politiques au sens strict. Ce rôle n’exclut pas non plus des actions politiques ou diplomatiques.

La mort d’Elisabeth II pose aux Français beaucoup de questions. Elles se rapportent notamment à l’essence de la politique, qui ne se restreint pas seulement à l’économie et la géopolitique. Cet événement nous montre le poids de la monarchie dans le monde contemporain : celle-ci doit être prise au sérieux et n’appartient pas à un passé révolu. La politique a aussi besoin de cohésion sociale et ce n’est pas en proclamant « Liberté, égalité, fraternité » que ces mots deviennent réalité. La fraternité n’est pas quelque chose que l’on peut imposer, ni l’amitié entre les dirigeants et le peuple. On aime des personnes pour ce qu’elles sont en elles-même, pour leurs valeurs, et non à cause d’une poignée de main ou d’intérêts politiques. Il en va de même pour une république démocratique : on ne peut aimer un président seulement à cause de son programme, parce qu’il est de gauche où de droite, libertaire ou conservateur. L’amitié politique arrive quand on peut s’identifier avec la personne, quand on aime ce qu’elle représente, comme les Anglais se sont identifiés à leur reine. Et comment ne pas respecter et aimer une personne d’une telle dignité, telle que l’était la reine Elisabeth II.

Lynn Martin