Les chiffres sont tombés ce 30 août 2016 dans la presse. Selon un sondage réalisé par l’institut BVA à la demande de l’Alliance royale, il s’avère que 17 % des Français seraient favorables, voire très favorables à l’exercice de la fonction de chef de l’État par un roi. Plus intéressant encore, près de 30 % des Français seraient prêts à accorder leur voix à un candidat royaliste lors d’une élection.
Autres éléments dignes de retenir notre attention, sur une série de questions plus précises, les avis favorables à la royauté représentent des chiffres significatifs. Ainsi, pour 39 % des Français, l’unité nationale serait renforcée par un souverain. Pour 37 % le gouvernement serait plus stable. Pour 31 % l’image de la France serait plus positive dans le monde. Pour 24 % la France tiendrait mieux sa place au sein de l’Union européenne. Pour 22 %, les libertés individuelles seraient mieux respectées.
Ces données doivent interroger les royalistes. D’une part, elles révèlent l’extraordinaire stabilité du sentiment royaliste dans notre pays. En effet, un sondage similaire a été établi durant l’hiver 2006-2007 par BVA, toujours à la demande de l’Alliance royale, et a produit des résultats à peu près similaires en termes d’ordres de grandeur, alors que les conditions politiques et économiques nationales comme internationales étaient tout à fait différentes. Par ailleurs, un sondage réalisé en 1989 par l’institut IPSOS, pour le journal Le Point, avait donné un nombre de Français favorables à l’exercice du pouvoir par un roi absolument équivalent, 17 %. Nous nous trouvons là sur une stabilité de vingt-sept ans, là encore dans des conditions politiques, sociales et économiques différentes.
En somme, le sentiment royaliste est structurel dans le pays, il s’appuie sur un socle de personnes qui, malgré l’oubli de l’histoire du pays, malgré la propagande éducative du régime en place, continuent de penser que la France mériterait un roi.
En vérité, ce chiffre devait être plus élevé que 17 %. Celui-ci est le nombre de Français convaincus qu’il faut un roi, que cela est nécessaire. Mais au-delà, il y a tous les Français qui, sans être convaincus de la nécessité du roi (peut-être parce qu’ils jugent simplement la chose irréaliste, voire relevant du songe), sont pourtant convaincus que s’il y avait un roi, notre pays, dans l’ensemble, s’en porterait mieux.
Si la royauté était une possibilité plus crédible et imminente pour le pays, on pourrait certainement, sur la base de ces sondages, élargir le cœur de la population royaliste à 39 % des Français !
Cependant, et c’est ici que notre attention doit être retenue, ces résultats expriment un sentiment, un souhait politique, mais en aucune manière un engagement. Les mouvements royalistes sont là pour le prouver. Malgré leur nombre pléthorique, leurs effectifs, pour la plupart d’entre eux, sont de dimensions microbiennes. Certes, l’Action française pourra revendiquer 2000 ou 3000 adhérents, l’Institut de la Maison de Bourbon pourra réunir 300 ou 400 personnes lors d’une cérémonie publique, voire plus de 1000 si le Prince est présent. L’Alliance royale pourra avancer plus d’une soixantaine de candidats et suppléants lors d’une élection législative, au prix d’efforts considérables témoignant d’une énergie indomptable. Mais tous ces effectifs, mis bout à bout ne représentent presque rien face à presque 67 millions de Français.
Il y a, en somme, un décalage entre la population de sensibilité royaliste, fort importante, et celle réellement engagée pour la cause du roi, quasi inexistante.
A quoi cela est-il dû ? Plusieurs facteurs sont sans doute en cause, certains externes, comme l’indifférence des médias nationaux et régionaux pour ces mouvements ; d’autres internes, comme l’incapacité de nombreux royalistes à sortir de leurs cercles et à s’unir pour proposer des actions politiques crédibles à leurs compatriotes.
Une chose est certaine, ne sont en cause, ni le nombre des mouvements, ni leurs stratégies respectives. En effet, animer des médias qu’ils soient imprimés ou électroniques est indispensable pour marquer une présence royaliste dans l’information et la formation intellectuelle. Que ces médias aient différentes sensibilités n’est pas non plus un mal, si nous considérons que la royauté est un régime politique, une forme de gouvernement, pas une idéologie totalitaire. Les royalistes devraient être de toutes les sensibilités, accordés seulement sur la forme de gouvernement à rétablir et ses valeurs fondamentales. De la même manière, les cercles historiques transmettent une mémoire et ont leur utilité. Les cercles mondains entretiennent un lien social indispensable. Les groupes d’action militante incarnent une présence dans la rue au plus près des Français. Les partis politiques, en se présentant aux élections, rendent envisageable l’exercice concret du pouvoir local ou national par des personnalités royalistes aptes à montrer que leurs idées appliquées dans le gouvernement d’un territoire sont crédibles et efficaces.
Le mal le plus profond réside sans doute ailleurs : dans l’extraordinaire capacité des royalistes à se tirer dessus d’un mouvement à l’autre, ou à s’ignorer superbement, ou encore, ce qui n’est guère mieux, à ne se tendre la main qu’en espérant bien tirer pour soi-seul tous les bénéfices d’une opération conjointe. Cette grande division est la cause de bien des échecs. Le rêve de l’unanimisme est impossible à réaliser. Il n’est d’ailleurs pas souhaitable car il ferait dériver le royalisme d’une doctrine de l’État à une doctrine totalitaire. Mais la réalité des luttes entre royalistes est, elle, gravement dommageable et est sans doute l’une des causes majeures de ce décalage entre le sentiment royaliste et la réalité des mouvements royalistes.
Ces luttes, en effet, nous occupent et nous tournent vers nous-mêmes, alors que notre préoccupation première devrait être de nous tourner vers les Français pour, chacun avec la particularité de notre mouvement, leur proposer la solution du roi.
Ce sondage, en somme, doit nous faire réfléchir et nous amener à une action concrète, passant du rêve du roi à l’action réelle en faveur du roi, selon nos affinités et notre caractère, dans le mouvement qui nous correspond le mieux, en conservant toujours le plus grand respect pour les démarches des autres mouvements qui, à leur manière, combattent pour que la France retrouve son roi.
Il n’y a pas d’autre manière d’aller vers les Français et de rapprocher ces deux réalités si dissemblables ; l’importance du sentiment royaliste dans la population et la faiblesse des mouvements royalistes.
Gabriel Privat