Considérations sur Avatar

Avatar

AvatarDans le magma du cinéma américain, il y a parfois des films qui sortent du lot. Le film « Avatar, » réalisé par James Cameron, est de ceux-là.

Au milieu du 22ème siècle, Pandora est une planète lointaine à la végétation luxuriante dont l’atmosphère est toxique pour les humains mais dont le sous-sol regorge d’Unobtainium, un minerais extra-terrestre extrêmement cher et qui suscite la convoitise de la « Compagnie » qui l »exploite.
Mais la planète est déjà occupée par des indigènes humanoïdes, les Na’vi, dont la civilisation est très primitive, restée très proche de la foret à laquelle ils sont biologiquement reliés. Ils vouent un culte à la nature et leur déesse est Ewya.
Très vite, les rapports deviennent conflictuels entre les Terriens et les Na’vi, très hostiles à l’extraction d’Unobtanium par la compagnie qui, pour ce faire, procède à la déforestation de larges zones appartenant au territoire des Na’vi. Les Marines américains qui prrotègent l’extraction du minerais n’hésitent plus à ouvrir le feu sur les Na’avi.
C’est dans ce contexte qu’apparaît le programme « Avatar » qui permet à des Humains de revêtir temporairement le corps artificiellement créé d’un Na’vi. Ce programme cherche à renouer des liens diplomatiques avec les Na’vi.

De prime abord, ce film se situe dans l’air du temps : anticolonialiste, écologiste… les Na’avi font penser aux amérindiens exterminés par les pionniers américains lors de la conquête de l’ouest.

Pourtant, il y a dans l’œuvre de James Cameron une portée qui a sans doute échappé au réalisateur lui-même, une portée authentiquement réactionnaire.

Dans le film Avatar, deux civilisations s’opposent, deux civilisations irréconciliables sur le plan des valeurs. D’une part, la civilisation terrienne, celle de la démocratie libérale, du mercantilisme, de l’industrie toute-puissante, du progrès…
L’opération d’exploitation minière est dirigée par un représentant de la compagnie, Parker Selfridge, pour qui le village de Na’vi n’a pas d’autres caractéristique que celle d’être au-dessus « d’un tas d’oseilles. » Les mercenaires qui protègent l’exploitation d’Unobtainium sont commandés par le colonel Miles Quaritch pour qui toute tentative de négociation diplomatique avec les Na’vi n’est que pure perte de temps et qui n’hésitera pas à ordonner de frapper l’arbre sacré des Na’vi.
De l’autre coté, les Na’vi forment une société traditionaliste, dirigée par par Eytucan (le chef-roi du clan) mais aussi très religieuse puisque le chef spirituel du village est la Mo’at (chamanne, prêtresse). Les Na’vi vivent de traditions, ils sont attachés à leur territoire, à leur famille et à la forêt.
C’est également un peuple courageux dont les guerriers n’hésitent pas à affronter avec arcs, flèches et lances les hélicoptères de combats et les Marines que leur envoie la Compagnie.
Deux sociétés qui s’affrontent : l’une démocratique et libérale, fondée sur l’argent, le Progrès, l’industrie ; l’autre, monarchique, fondée sur la communauté, le sol, le sacré… Il n’est pas difficile pour un contre-révolutionnaire de choisir son camp.

En ces temps de mondialisation, où l’idéologie dominante voudrait nous faire croire que la terre n’appartient à personne, que nous sommes tous des nomades, sans racines, sans traditions, sans Histoire, les Na’vi symbolisent la volonté d’un peuple qui, contre l’avènement du tout marchandise, se dresse pour revendiquer son droit sur sa terre pour y vivre selon ses lois et ses traditions.

Il y aura bien sûr quelques aigris nostalgiques qui opposeront à l’anticolonialisme de l’œuvre (pourtant porté par tous les réactionnaires) l’épopée d’un Lyautey, icône pourtant bien esseulée dans l’Histoire des colonisations. Mais que reprocher à un peuple qui défend sa terre contre un envahisseur ?
D’autres reprocheront le coté « écolo » du film, trop dans l’air du temps… mais ce serait oublier que les premiers écologistes étaient tous soit réactionnaires, soit conservateurs.
D’autres enfin, et cela s’entend, stigmatiseront le « paganisme » latent du film, en référence à la déesse des Na’vi (bien que le film, à ce titre, s’inscrive beaucoup plus dans la mouvance New Age que dans le renouveau païen.) C’est ce qu’a fait le Vatican, avec raison, par la voie de l’Osservatore Romano qui dénonce avec justesse « un spiritualisme faisant le culte de la nature. » Pourtant, quelle formidable leçon que ce retour du sacré contre le matérialisme porté par la Compagnie !
Il y a deux lectures que l’on peut avoir de ce film : l’un est celle des éternels perdants, ceux qui voient une défaite dans chaque œuvre qui ne porte pas l’intégralité de ce qu’ils pensent.

Et ceux qui voient le positif que peut porter une œuvre comme le film Avatar, qui porte en lui tous les germes d’une reconquête réactionnaire des esprits : le dégoût de plus en plus profond de nos contemporains pour la société matérialiste et mercantile. La seule chose qui nous manque, c’est un pont, un point de jonction entre le dégoût du mal ressenti par les uns, et les propositions portées par les autres : Une jonction entre Avatar et de Maistre.

Stéphane Piolenc