L’opium du peuple

Editorial du 11/5/2021

Alors que la pandémie de COVID-19 n’est pas finie, alors qu’on veut nous imposer un passeport sanitaire pour circuler, alors que le terrorisme sévit, des députés n’ont rien trouvé de mieux que de proposer la légalisation du cannabis.

L’idée n’est pas nouvelle ; elle fait son chemin y compris dans l’esprit de certaines personnalités comme Eric Zemmour (C-news, Face à l’info du 6 mai 2021), bizarrement. Pourquoi légaliser ? Parce que l’État et la police sont dépassés par l’ampleur du trafic. Des banlieues entières vivent sous la coupe de caïds de l’herbe, de dealers et de trafiquants. La plante est partout y compris dans les campagnes. Les chiffres sont parlants : 58 % des 15-34 ans en ont déjà consommé et 45 % des Français en ont fait usage au moins une fois. Face à ce fléau, certains prétendent casser la dynamique mortifère et encadrer la consommation en la légalisant. Notons au passage que les consommateurs sont déjà peu poursuivis, bien que les lois soient sévères. Seuls les trafiquants voient les foudres de la Justice s’abattre sur eux : les deux tiers sont condamnés à de la prison, mais les peines dépassent rarement six mois.

Le cannabis pourrait donc être en vente libre. On en achèterait, comme on achète des cigarettes. L’État pourrait même devenir producteur. Et des champs entiers de la plante aux étranges effets s’étendraient à perte de vue… Quel renoncement ! On ne peut pas lutter contre le trafic, donc on le légalise. Il faut vivre avec le virus, vivre avec le terrorisme et demain avec le cannabis…

On compare souvent la consommation du cannabis à celle du tabac ou de l’alcool, qui tuent beaucoup de gens chaque année. Pourtant les choses sont bien différentes. Il ne faut pas confondre l’alcool (à consommer avec modération) avec l’alcoolisme. On ne s’enivre pas avec de grands crus, ou rarement. L’alcoolisme est une maladie qu’il faut traiter. Les effets du tabac sont parfois dramatiques pour la santé, mais ils n’ont rien à voir avec ceux du cannabis. Selon la Gendarmerie, le cannabis brûle à 800° contre 450° pour le tabac, on voit donc déjà les dégâts potentiels dans la bouche lorsqu’on fume un joint. Sa fumée est vingt fois plus toxique que celle d’une cigarette et elle contient 7 fois plus de goudron. On constate une baisse de huit points de QI chez les consommateurs habituels ; 50 % des patients en hôpital psychiatrique en ont été consommateurs. Le cannabis se fixe dans les graisses, donc dans le cerveau en particulier. Ses traces sont repérables pendant six jours dans le sang, trois semaines dans les urines et à vie dans les cheveux. Enfin, le cannabis vendu est souvent issu de plants transgéniques dont le taux de THC (Tetra-Hydro-cannabidol, la substance active) atteint 22 %, voire plus, contre 2 à 3 % pour la plante naturelle des années hippies. C’est donc une drogue dure. L’État va-t-il se lancer dans la culture de chanvre indien bio ou imposer un label à son cannabis ?

L’encadrement de la vente permettrait aussi d’engranger des taxes (jusqu’à deux milliards d’euros par an, lit-on) ; on en revient toujours à l’argent. Des contrôles seraient mis en place pour les automobilistes, comme pour l’alcool : « celui qui a fumé ne conduit pas ! » Or, si c’est légal, les accidents risquent d’augmenter. On ne sait d’ailleurs pas bien la part des conducteurs sous emprise dans les accidents.

Légaliser, c’est aussi orienter les dealers vers d’autres trafics, à moins qu’ils ouvrent des officines et s’inscrivent au registre pour commercer légalement… Le tabac est légal, pourtant il y a de la contrebande de cigarettes. Elle pourrait concerner du cannabis plus fort, si celui légalisé par les pouvoirs publics ne convient pas aux consommateurs. On ira vers d’autres drogues ou vers une reconversion des trafiquants au grand banditisme ou au terrorisme. L’économie parallèle ne va pas s’arrêter du jour au lendemain. Priver certains de cette manne, c’est mettre le feu dans les « quartiers ». Des dealers gagnent des milliers, voire des dizaines de milliers d’euros par mois ; ils ne vont pas y renoncer aussi facilement et devenir marchands de nougat.

Légaliser, c’est renoncer à faire appliquer les lois. Quel manque d’ambition, de volonté, d’idéal ! Est-ce l’avenir que nous voulons ? Un joint et le revenu universel en attendant de mourir ? Vraiment, ceux qui proposent cette idée et ceux qui la soutiennent n’ont vraiment rien compris, à moins qu’il n’y ait derrière d’obscures et laides arrière-pensées électoralistes…

Contre la drogue, il faut lutter sans merci, avec tous les moyens possibles ; il faut aussi informer, éduquer, refuser de banaliser. Il faut une tolérance zéro, du consommateur jusqu’aux gros trafiquants avec des peines dissuasives.

Régis Arnaud